Peut-on faire confiance aux avis clients?

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Par Barnaby Lewis
Mots clés : ServicesTourismeVoyage
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Feriez-vous confiance à un parfait inconnu qui vous propose ses services ? A priori, c’est peu probable. Pourtant la popularité des commentaires en ligne et le crédit accordé aux avis des pages Web au moment de prendre d’importantes décisions pour se loger, se restaurer et voyager dans des conditions optimales pointent une autre réalité.

Les communautés en ligne sont depuis toujours un lieu où des gens se connectent pour échanger avec leurs semblables. Ce sont des gens comme vous et moi, qui partagent quelque chose en commun. Accessibles partout et généralement gratuits, les réseaux sociaux, forums et autres sites de dialogue en ligne ont prospéré dès le début d’Internet, préfigurant l’explosion des médias sociaux à la fin des années 2000.

Difficile d’imaginer un monde sans connexions de ce type. Désormais partie intégrante de notre vie quotidienne, elles ont non seulement changé notre façon de créer des contacts et de nous faire des amis, mais elles ont aussi modifié notre relation à l’information et notre façon de former et d’exprimer nos opinions. Elles ont également influencé nos choix s’agissant de nos décisions de vacances. De l’idée de départ jusqu’à la réservation, beaucoup d’entre nous organisent maintenant leurs vacances de A à Z sur Internet.

Avec la planète à portée de main, pourquoi voyager ?

Aux moindres moments d’inactivité où nous pouvions autrefois laisser vagabonder notre esprit, nous nous précipitons maintenant de manière compulsive sur notre téléphone portable pour nous immerger dans son monde numérique. Travail, détente, actualité, opinion, apprentissage et divertissement sont noyés sous un flot d’informations. Si le potentiel d’accès à des idées nouvelles élargit effectivement nos horizons, notre mode de vie s’en trouve emporté dans le flux d’un courant incessant. Les études l’indiquent, nous nous plaignons d’un niveau de stress jamais atteint. Parfois, il est bon de faire une pause.

Est-ce l’une des raisons pour lesquelles nous voyageons plus que nos grands-parents ? Est-ce aussi peut-être ce qui explique la recherche de destinations de plus en plus exotiques pour nous évader, nous détendre, changer de perspective, voire nous déconnecter. Une récente norme ISO devrait contribuer à rendre le processus de choix et de réservation plus rassurant.

Mais avant d’en arriver là, il vous faudra trouver votre chemin dans une multitude d’options. Et il y en a tellement que l’on ne sait plus où donner de la tête. Dans un monde où le transport aérien est l’option la moins chère, où votre smartphone peut traduire des langues que vous ne parlez pas, et où le plus grand hébergeur du monde ne possède pas un seul immeuble, il y a effectivement de quoi être perplexe. Heureusement, il existe encore des agences de voyages pour vous aider. Elles n’ont pas toutes fait faillite avec les comparatifs de prix et les réservations en ligne. Bien au contraire. Celles qui ont survécu le doivent à l’innovation et à la spécialisation.

Une nouvelle génération d’agences de voyages a vu le jour. Proposant des formules qui n’étaient tout simplement pas disponibles auparavant, leur marketing axé sur les données leur permet de créer, pour leurs clients, des forfaits sur mesure. Les renseignements nous concernant recueillis par ces entreprises, y compris les avis rédigés et les sondages d’opinions, sont essentiels à leur modèle commercial. Dans le secteur hautement compétitif du tourisme d’aventure, les entreprises innovantes font un travail d’analyse et de réflexion pour répondre aux vœux de leurs clients, qui recherchent avant tout non seulement des vacances, mais des voyages inoubliables hors des sentiers battus. En France, l’un des opérateurs les plus connus est Nomade Aventure. Fondée en 1975, l’agence, fidèle à sa vocation explicite, n’a jamais cessé d’évoluer et occupe aujourd’hui une position de leader dans le marché.

Screen laptop showing the site of a hotel.

Saisir une opportunité

Entre la réalisation des rêves de vacances de 12 000 personnes par an, la gestion d’une équipe de 60 personnes et la recherche de nouvelles destinations, Fabrice Del Taglia, Directeur général de Nomade, est en perpétuel mouvement. Après avoir travaillé dans la distribution de films en Afrique et dans le secteur des colonies de vacances, M. Del Taglia, un Français au parcours professionnel insolite, est, depuis une dizaine d’années, à la tête de cette importante agence de voyages. ISOfocus a pu l’interroger sur le rôle des normes dans sa vie personnelle et dans le succès de son entreprise.

Il déclare : « Je suis entré dans la normalisation par hasard. Ayant eu l’occasion de contribuer à une norme sur les évaluations en ligne, j’en ai saisi l’importance pour notre entreprise. » À ma demande de précisions, il répond : « Nomade utilise les avis en ligne depuis 2011, afin de maintenir notre présence dans le secteur très concurrentiel du tourisme en ligne. Nous avions nos propres systèmes rigoureux en place, par exemple, publication de tous les avis, favorables ou non, pendant au moins cinq ans, ou interdiction à nos employés de supprimer ou de modifier les avis des clients. »

Pour M. Del Taglia, il était clair que l’élaboration de lignes directrices similaires applicables à tous les types de sites marchands en ligne permettrait d’améliorer la transparence et de maintenir la confiance des clients dans l’authenticité des avis. « C’est un mélange de curiosité personnelle et de conscience du fait que nous pouvions ainsi protéger notre entreprise qui m’ont amené à accepter de participer aux travaux de normalisation », observe M. Del Taglia, pour expliquer son engagement auprès de l'AFNOR, membre de l’ISO pour la France, qui a lancé l’initiative en matière d’élaboration d’une norme relative aux avis en ligne.

L’initiative française passe à l’international

En 2014, l’ISO a créé un comité technique, géré par l’AFNOR, sur les avis en ligne des consommateurs, chargé de démarrer l’élaboration d’une Norme internationale établissant des exigences et des recommandations sur les principes et méthodes à appliquer par les administrateurs dans la collecte, la modération et la publication des avis en ligne émis par les consommateurs. Publiée en 2018, la norme ISO 20488, qui s’appuie sur les travaux initiaux de l’AFNOR, a été largement adoptée en France par les entreprises.

Pour Laurent Petit, Président du comité technique ISO/TC 290, Réputation en ligne, géré par l’AFNOR, la norme ISO 20488, Avis en ligne de consommateurs — Principes et exigences portant sur les processus de collecte, modération et publication des avis, qui est applicable à tous les types d’entreprises, est particulièrement pertinente pour des secteurs, comme celui du tourisme, où l’expérience des clients est un facteur prépondérant dans la prise de décision. Les avis en ligne ont aussi une influence majeure pour l’achat de produits dont on attend des performances spécifiques, comme les articles de sport.

Avec sa double formation en mathématiques et en marketing, M. Petit apporte, dans ses activités ISO, une expérience substantielle du domaine, car il a travaillé pour des sociétés très connues en France, notamment pour la loterie nationale, la télévision nationale, et la grande enseigne multisports Decathlon. Travailler avec le plus grand détaillant de Thaïlande est le dernier défi en date auquel s’attaque M. Petit. C’est lors d’une course en taxi dans les rues très animées de Singapour qu’ISOfocus l’a rencontré.

Actif de longue date dans le monde du football, M. Petit, qui a travaillé à Paris, Shanghai et Singapour, vient de déménager à Bangkok. En travaillant avec un club de football professionnel, M. Petit avait une certaine expérience des normes ISO, mais sa première occasion de participer de l’intérieur à l’élaboration de normes s’est présentée en 2014 lorsqu’il a été approché par l’AFNOR. Appuyé par des collègues qui, comme lui, ont reconnu l’énorme potentiel de la norme, il a décidé, selon ses propres termes, de « jeter un coup d’œil dans les coulisses du monde de la normalisation ».

Quant à l’utilité d’ISO 20488, M. Petit explique que « l’avis en ligne est trop important pour être laissé au hasard ». Pour souligner à quel point ces avis sont décisifs pour les consommateurs d’aujourd’hui, il affirme : « c’est un facteur de conversion [pour conclure l’achat] », en faisant état d’études attestant que, sur la base d’avis crédibles, les décisions d’achat peuvent être multipliées par quatre. « On se méfie de plus en plus des sources d’information officielles, et les déclarations des fabricants sont jugées moins crédibles que l’avis d’un utilisateur régulier, même si l’avis provient d’une personne que l’on ne connaît pas personnellement.

Solutions à des problèmes concrets

La dernière remarque de Laurent Petit incarne la logique pragmatique du normalisateur convaincu que tout a une solution : « Quand il s’agit de réputation en ligne, l’important n’est pas de savoir si une critique est positive ou négative, mais comment on réagit. » Pour M. Petit, le fait d’apporter une réponse rapide et sincère à des retours négatifs et, surtout, d’essayer de régler le problème, ajoute plus de crédibilité que la simple mise en avant ou la réponse aux avis positifs.

Les implications vont bien au-delà du tourisme. L’avis en ligne est au cœur du processus décisionnel, même dans les cas où l’acte d’achat peut s’effectuer en magasin. Avec une norme si largement applicable à différents secteurs qu’ISO 20488, le principe ISO qui consiste à rechercher un éventail d’expertise tout aussi étendu est vraiment payant. ISOfocus s’est entretenu avec Patrick Harkness qui a participé aux travaux sur ISO 20488 en y apportant des points de vue autres que ceux du commerce de détail et du tourisme.

M. Harkness, qui mène une retraite très active (il a fondé un cabinet-conseil en planification d’urgence et participe à différents projets ISO), a débuté sa carrière en tant que géomètre et spécialiste de grands projets d’infrastructure en Colombie-Britannique, sa province natale. C’est dans ce contexte qu’il a commencé à travailler, à l’échelle de la province, à des programmes de préparation aux situations d’urgence impliquant de tenir compte d’un large éventail d’opinions, de collaborer avec de multiples parties prenantes et d’établir des plans et des lignes directrices. Voilà la solide base sur laquelle s’appuient désormais ses contributions de M. Harkness aux travaux normatifs.

Le point de vue du normalisateur

Au vu du temps mis à disposition à titre volontaire par M. Harkness pour œuvrer aux normes nationales et internationales, dans des domaines aussi divers que la sécurité et la résilience, les consommateurs vulnérables et les sociétés vieillissantes, le Conseil canadien des normes (CCN), membre ISO pour le Canada, a jugé parfaitement naturel de le choisir, parmi d’autres Canadiens, pour participer à l’élaboration d’ISO 20488. M. Harkness précise : « Mes activités bénévoles s’amplifiant, le CCN m’a demandé si j’aimerais présider le Comité miroir canadien de l’ISO/TC 290 sur la réputation en ligne. J’ai accepté, et nos efforts ont abouti avec ISO 20488. »

Puisque le sujet concerne ici l’avis des utilisateurs, je suis curieux d’en savoir plus sur son expérience dans le processus ISO proprement dit. Sachant que, pour beaucoup de gens, la retraite marque l’arrêt de la vie professionnelle, comment se fait-il qu’il ait décidé d’assumer de nouvelles responsabilités et de s’engager dans de nouvelles démarches ? « L’administration et l’organisation sont mes points forts », reconnaît M. Harkness, qui ajoute « c’était naturel pour moi de devenir Manager1) d’un groupe de travail. Ayant été élu à ce poste, j’ai eu la chance d’être parrainé par le CCN pour participer, en 2016, au cours de formation des gestionnaires de comités ISO. C’est une formation qui vaut vraiment la peine et que devraient absolument suivre ceux qui acceptent la responsabilité de Manager d’un comité technique ou d’un groupe de travail. »

Two young men sitting at an airport lounge using a mobile phone.

Des amis qui vous veulent du bien

Il n’est pas très compliqué pour un site marchand de rédiger son propre avis. Dans un monde virtuel, rédiger un avis qui correspond à ce que l’on aimerait entendre et écrire des mensonges éhontés n’est pas exactement la même chose. Il faut s’attacher à faire en sorte que les milliers de gens qui gagnent leur vie en nous poussant à acheter en ligne ne soient pas tentés d’interpréter les données ou de réécrire les témoignages comme bon leur semble. Sans les lignes directrices du type de celles indiquées dans ISO 20488, même des opérateurs légitimes peuvent aller trop loin. Dans un paysage numérique saturé d’images retouchées, de vidéos virtuelles, de chatbots, et où chacun de vos mouvements doit impérativement être monétisé, l’incertitude quant aux règles est bien réelle.

La question que les acteurs du e-commerce doivent se poser est de savoir s’ils peuvent prendre les bonnes décisions sans le cadre défini dans la norme ISO sur les avis en ligne de consommateurs. Les consommateurs font confiance aux normes et se détournent rapidement des entreprises coupables de fausses allégations. Pire encore, ils peuvent publier leurs propres avis négatifs et détruire en peu de mots une réputation gagnée après des années d’effort.

Pour les vacanciers et, de fait, pour ceux qui se portent acquéreurs de produits ou services ayant fait l’objet de notations sur Internet, les Normes internationales fournissent désormais un niveau d’assurance supplémentaire. C’est une chance, parce que l’on ne peut pas toujours se fier à des conseils d’amis, surtout s’il s’agit de parfaits inconnus.


1) Nouvelle désignation du «Secrétaire». 

Barnaby Lewis
Barnaby Lewis

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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus